
La relève montréalaise du jeu vidéo s'illustre à Los Angeles
Ils sont trois gars et trois filles à me rencontrer au stand d’Ubisoft à E3, cette grand-messe annuelle de l’industrie du jeu vidéo, à Los Angeles, où ils présentent le fruit de 10 semaines de travail acharné : Zorya, le prototype de 10 minutes d’un jeu de puzzle.
C’est ce jeu qui leur a valu plusieurs distinctions : d’abord trois prix, dont le plus grand, au concours universitaire Ubisoft, servant de levier professionnel à des étudiants désirant travailler dans le domaine du jeu vidéo et dans lequel 19 équipes québécoises étaient en compétition.
Pour couronner le tout, la semaine dernière, l’équipe a gagné la compétition de jeu vidéo étudiant d’ESAC (Entertainment Software Association of Canada), dont le prix était un voyage à E3 pour présenter le fruit de leur travail. À cette foire commerciale de trois jours se réunissent une cinquantaine de milliers d’acteurs l’industrie du jeu vidéo et de membres de la presse (en plus de membres du public, une première cette année, qui ont passablement fait gonfler l’assistance).
C’était notre projet synthèse, alors normalement, on aurait dû travailler 18 heures par semaine sur le projet, mais pour moi, c’était plutôt entre 40 et 60 heures par semaine.
C'est ce que m’explique en riant Bianka Chandler-Boisvert, étudiante à L'École des arts numériques, de l'animation et du design (NAD). La moitié de l’équipe étudie comme elle à NAD; l’autre moitié, à Polytechnique, en génie logiciel.
Conçu en 10 semaines de travail acharné, avec des contraintes imposées comme c’est le cas à chaque compétition de l’Ubisoft Game Lab, le prototype a obtenu la faveur du jury et du public, valant à l’équipe des bourses totalisant 10 000$ et une reconnaissance de la grande qualité esthétique et de l’inventivité de Zorya... même si le réel intérêt du concours se trouve plus loin que la simple valeur du produit créé par l’équipe : le processus constitue une vraie immersion dans l’industrie du jeu.
Le concours universitaire Ubisoft donne l’occasion aux étudiants de voir dans quoi ils s’embarquent, m’explique Fabrice Giguère, attaché de presse pour Ubisoft. De notre côté, on peut voir les talents de manière beaucoup plus approfondie que dans une entrevue d’une heure. L’industrie sera dynamique si elle a la capacité de régénérer la relève, et on voit ce concours comme une façon de le faire.
Cette capacité de régénération semble se porter assez bien : tout comme une vingtaine de participants du concours en 2016, un des membres de l’équipe, Mackly Férère-Antoine, a décroché un emploi à Ubisoft, alors que d’autres participants auront droit à un stage.
Les chiffres ne mentent pas: l’industrie du jeu vidéo à Montréal est bouillonnante. On compte près de 100 studios indépendants, sans compter les chefs de file comme Ubisoft, Eidos, Bioware et Bethesda; tout ce beau monde emploie au total environ 7000 travailleurs.
Quel est le secret de cette vivacité?
"Les subventions" me dit en riant Catherine Benoit, aussi étudiante à NAD. "On a la chance d’avoir des écoles spécialisées, qui se consacrent au jeu vidéo, ajoute Bianka Chandler-Boisvert. Et les compagnies s’investissent beaucoup pour s’assurer de stimuler l’industrie."

Une équipe paritaire
Fait remarquable dans le domaine du jeu vidéo, l’équipe de création de Zorya compte quatre femmes et quatre hommes. Ubisoft s'efforce de faire plus de place aux femmes dans l'industrie, explique Fabrice Giguère :
À Ubisoft, on est d’avis que plus l’équipe est diversifiée, plus elle est créative. La diversité amène plus de points de vue et d’opinions. Le problème qu’on a, c’est qu’on engage des ingénieurs, et qu’environ 13% seulement des diplômés en génie sont des femmes.
Ubisoft tente de renverser cette tendance en s’impliquant encore plus tôt dans le cursus scolaire, notamment par le biais de Technovation, un programme de formation en codage pour les filles de 10 à 18 ans, pour lequel Ubisoft fournit des mentors, et par Kids Code, un programme visant à initier les enfants à la programmation dès l’âge de 7 ans!
«Plus on vise à long terme, en commençant tôt, plus les femmes vont comprendre que dans l’industrie du jeu vidéo, on peut réaliser ses ambitions», conclut Fabrice Giguère.
Un objectif certainement louable, d’autant que E3, cette année, a été le théâtre d’échanges assez acrimonieux entre des femmes de l’industrie, qui décriaient le sexisme du créateur d’un jeu présenté à la foire, et le créateur de Minecraft, Markus Persson, qui, sur Twitter, a traité sans gêne la créatrice de jeux Zoe Quinn de «fucking cunt». Un écho malheureux du GamerGate, ces débats sur la misogynie dans le domaine du jeu vidéo qui ont fait rage en 2014, et une indication qu’il reste encore du travail à faire pour donner un espace aux femmes dans le monde du jeu.
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